Le bien ou le mal, une question de point de vue
Toutes nos sociétés modernes sont fondées sur la notion du bien ou du mal. Si tel comportement est considéré comme mauvais il est punit, si par contre il est considéré bénéfique il est encouragé et récompensé. Cependant si l’on place ce modèle en termes de perspective on se rend bien compte qu’il ne présente pas une légitimité indiscutable. Ce qui profite à une personne ne profite pas forcément à l’autre ou encore certaines choses considérées comme mauvaises avant sont autorisées aujourd’hui. Bref, il est facile de comprendre que ce système peut créer des confusions. Pourtant, nous l’appliquons à notre environnement y compris à nos animaux. Ceci soulève une question fondamentale : Ont-ils les mêmes capacités morales que nous ? Sont-ils capables de mauvaises intentions, de différencier le bien du mal etc. ? Je vais m’intéresser aux chevaux plus particulièrement. Comme nous l’avons vu dans l’article « Intelligence équine VS intelligence humaine » le cheval n’a pas le même cerveau que nous, en particulier le néocortex. Ce dernier est à l’origine de notre capacité de raisonnement, il nous permet de compter, lire, analyser etc. Celui du cheval est extrêmement réduit et ne lui confère pas ces capacités. En leur absence, il semble évident que le cheval ne présente pas les mêmes facultés morales que nous.
En tant qu’humain, nous sommes en mesure de comprendre ce qui est correct/incorrect ou encore les notions de bien/mal. De ce faite, notre nature nous rend capable de faire des choses immorales : faire exprès, mentir, faire semblant, être cruel ou encore perpétué des crimes. Toutes ces choses le cheval en est INCAPABLE. Je sais ce que vous vous dite, que vous avez tous vu un cheval faire exprès de faire une action pour obtenir quelque chose. Et pourtant le cerveau du cheval ne lui permet pas de planifier ou de raisonner de cette façon. Cette notion est très difficile à accepter en raison de l’anthropomorphisme. C’est culturel d’attribuer aux animaux des caractéristiques humaines. Et puis nous avons aussi une part de nous qui a besoin de sentir que le cheval fait les choses pour nous faire plaisir ou à défaut pour nous contrarier. Si le cheval semble faire une action pour obtenir quelque chose c’est plutôt que dans son éducation il a testé des comportements et en fonction des réponses obtenues il a fait le lien entre ce qui lui profite et ce qui ne lui profite pas. On va prendre l’exemple d’un cheval qui a pris l’habitude de ruer. Le cheval a compris que lorsque le cavalier est en selle et qu’il rue l’élément aversif (désagréable) représenté par le cavalier est enlevé. Si l’on veut que le cheval arrête ce comportement il faut faire en sorte que cette situation ne lui soit pas profitable. Le seul comportement que l’on considère mauvais et qui n’est pas appris c’est la fuite tout le reste résulte d’un apprentissage. Le mode d’apprentissage du cheval est donc basé sur le modèle de « Essai-Erreur ». Le cheval comme nous va toujours choisir l’option qui lui profite le plus. Il faut donc repenser nos objectifs équestres et faire en sorte que nos objectifs deviennent ses objectifs. C’est là que l’imagination rentre en jeu. Essayez d’imaginer des exercices où le cheval se retrouvera dans une situation où il sera toujours gagnant. Il ne s’agit pas forcément de lui donner une friandise mais plutôt de rendre la situation confortable quand le cheval teste le bon comportement. Ainsi avec le temps il pourra répondre à vos moindres demandes car il sait que c’est la solution pour être confortable. On peut prendre l’exemple de l’action des jambes. Pour que le cheval avance le cavalier actionne ses jambes, le cheval va tester plusieurs comportements comme rester immobile, reculer et quand il va avancer, les jambes du cavalier vont arrêter d’agir. Voilà c’est dans la boite : le cheval a compris que pour enlever la gêne des jambes du cavalier il doit avancer. Au fur et à mesure du dressage du cheval, un simple effleurement du mollet et le cheval devrait aller en avant. Cas contraire, si le cavalier arrête d’agir au moment où le cheval teste le mauvais comportement, le cheval aura intégré la mauvaise réponse mais il s’agit bien d’une erreur de communication du cavalier. Le cheval ne fait pas de « bêtises » intentionnellement. Il est donc essentiel en tant que cavalier de ne pas prendre les choses personnellement. C’est un travail difficile à faire sur soi mais tellement bénéfique. Maintenant quand un cheval aura un comportement considéré comme inapproprié essayez de vous demander en quoi ce comportement lui profite. Un cheval qui bouge au montoir, qui ouvre la porte de son boxe, qui ne répond plus aux jambes etc. Il est dans l’intérêt du cheval de répondre à la moindre sollicitation de son cavalier pour que le niveau d’inconfort soit au plus bas. Dites vous bien qu’un problème pour nous est une solution pour le cheval.
L’(in)utile pouvoir de la punition
Si le cheval n’a pas la capacité de savoir ce qui est bien ou mal et de raisonner, la question de l’utilité de la punition se pose. J’imagine que vous avez déjà tous la réponse en tête. Lorsque l’on punit un enfant c’est souvent parce qu’il a désobéi volontairement à une règle établie. Il sait donc ce qui est bien ou mal. Mais le cheval est incapable de faire exprès de choisir un mauvais comportement. Il est donc inutile de priver de foin un cheval qui ne s’est pas laissé attraper au pré. Alors dans ce cas comment faire comprendre au cheval qu’il ne fait pas ce que l’on attend de lui ? Tout réside dans la notion de confort et d’inconfort. Si le cheval teste le bon comportement on va rendre cette action confortable en arrêtant d’agir ou encore avec une caresse en guise de renforcement positif. Par contre si le cheval teste le mauvais comportement il va falloir rendre la situation inconfortable en continuant la pression voir en l’augmentant. Si vous voulez que votre cheval prenne du plaisir dans l’équitation il faut que vous lui permettiez d’être toujours gagnant. Trop souvent on veut aller trop vite au risque d’en demander trop. Souvenez-vous de l’adage « demander peu et récompenser beaucoup ». On en fait toujours trop. Demandez moins, plus souvent et vous obtiendrez beaucoup plus. Si votre cheval trouve toujours les solutions pour s’en sortir il ne verra pas le travail comme une contrainte. Le cheval est un animal généreux par nature, il faut donc utiliser cette qualité naturelle tout en restant dans le respect de son bien être physique et psychique. C’est aussi pour ça qu’il est essentiel d’éviter les situations où le cheval ne trouve aucune solution. A force, il va finir par capituler … C’est comme cela que l’on rencontre des chevaux complètement éteint, qui ne recherche plus d’interactions avec les hommes ou encore résignés. Ceci équivaut à nous mettre dans la situation où malgré tous nos efforts, nous ne sommes jamais récompensés. Cette promotion au travail tant attendue, ce devoir sur lequel on a planché pendant des heures pour se voir attribuer un « hors-sujet » On finit par se démotiver, à perdre confiance et à devenir rétif. C’est la même chose pour le cheval. Il est très souvent la victime silencieuse de nos erreurs…
Et la récompense alors?
Pour savoir quelle est la meilleure récompense pour le cheval, il faut se tourner vers ses intérêts primaires. Pour obtenir du bien-être, dans la nature le cheval doit se tenir le éloigné possible du danger représenté principalement par les prédateurs. Dans tous ces comportements il va donc chercher à enlever les éléments aversifs/contraignants. Alors qu’un prédateur comme le chien, chat ou même un dauphin, va rechercher l’obtention de ce qui lui procure du plaisir : la nourriture. De ce fait, la meilleure récompense que l’on peut offrir à son cheval est de le laisser tranquille quand nous avons obtenu ce que nous attendions de lui. C’est pourquoi, il faut mettre en place de nombreuses sessions rênes longues entre les exercices, prévoir des séances adaptées, lui soumettre des solutions claires où il finira toujours par gagner quand il teste le bon comportement. Il n’y a rien de pire pour un cheval que de voir que malgré tous ces efforts, il ne trouve jamais la solution et que les pressions ne font qu’augmenter sans jamais s’arrêter. C’est comme cela que l’on retrouve des chevaux éteints ou cas inverse dangereux qui se protègent de notre manque de cohérence. La récompense alimentaire n’est pas à bannir, le cheval prenant bien évidemment du plaisir à manger, mais elle ne constitue pas la récompense essentielle. Elle peut néanmoins venir appuyer un comportement positif ce pourquoi on la nomme « renforcement positif ».